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| Les pèlerins d'Emmaüs par Greg Olsen |
Parler sacrement c’est supposer un lien entre une réalité sensible et un univers autre, pour nous invisible. En ouverture de l’une de mes expositions de poèmes illustrés « approche de l’invisible », je présentais la poésie ainsi « Une tâche de la poésie est de voir au-delà du réel, de traverser la matière, de trouver un sens aux apparences ». Ce peut être aussi le cas de toute œuvre d’art, de tout travail de recherche qui nous ouvre un espace insoupçonné de contemplation et de compréhension. Ce fut pour moi le cas de l’hébreu et de sa vocalisation ; je reprends un texte écrit sur ce sujet en 2019 :
« La matière première de l’hébreu ce sont les consonnes au nombre de 22. Seules elles sont inaudibles. Pour être animées elles ont besoin des voyelles ; trois d’entre elles vont être utilisées pour donner naissance aux sons et ces trois consommes sont celles du tétragramme qui nomme Dieu, ce mot que l’on ne peut prononcer (YHVH traduit par Yahvé). Dieu l’invisible, le Tout-Autre, l’Innommable, apparaît ainsi comme matrice du monde créé, comme l’âme de ce monde, qui sans lui ne pourrait être. Dieu se glisse dans le monde créé, donne la vie et en même temps se cache à notre regard. Dieu fait exister le monde mais se cache en lui. Seule la création permet de soulever le voile de Dieu. Et c’est le rôle du poète ou de l’artiste de soulever ce voile, de souligner la Transcendance présente dans l’épaisseur du créé. Et de l’offrir sur les places. »
Ainsi on peut dire que la création est sacrement de Dieu, que le visible est ouverture sur l’invisible.
Une question se pose : pourquoi Dieu se cache-t-il ainsi ? Pourquoi est-il sous-jacent partout sans pour autant le voir ? Même si l’homme est créature de Dieu, il y a un tel écart entre l’homme et Dieu que, si Dieu se manifestait à lui tel qu’il est, l’homme ne pourrait survivre. Par ailleurs pour que le monde soit et ait une existence propre, il faut que Dieu se retire de sa création, qu’il se cache, et ce fut cette grande aventure de l’humanité faite de refus, d’alliance, de rejet qui se rejoue avec chacun de ses membres encore aujourd’hui. Aussi la seule relation possible avec Dieu est celle de la foi. Même si Dieu peut se manifester parfois à nous plus sensiblement, cela demandera toujours un acte de foi, que nous avons à répéter chaque jour.
Ainsi nous ne sommes pas surpris que Dieu s’incarne dans notre monde par le biais d’un petit enfant (Luc 2,1-21), dans des conditions de précarité rappelant celles des réfugiés, au lieu de prendre l’apparence d’un roi puissant comme l’espéraient les contemporains de Jésus. C’est toujours le Dieu caché, le Dieu qui déroute, le Dieu qui renverse nos raisonnements, nos certitudes. Mais cette incarnation discrète a une portée immense. Jésus, notre frère en humanité, devient le frère de tout homme, de toute femme ; il est le frère universel. L’incarnation du Fils de Dieu est comme une mutation pour l’humanité, la réception d’un gène divin qui va rendre Jésus présent en toute personne et ce qui nous permet de le servir en servant nos frères. Présence immanente de Jésus en tout frère humain.
Après sa résurrection Jésus affirme qu’il est présent quand deux ou trois sont réunis en son nom (Matt 18,20), spécialement dans la prière. De même il affirme en quittant ses disciples qu’il sera avec eux jusqu’à la fin des temps (Matt 28,20). Cela nous fait dire que chacun peut être sacrement de Jésus pour ses frères et que Jésus est présent dans le frère. Si le pain eucharistique est la nourriture du pèlerin pour la route, le sacrement du frère est présence de Jésus à nos côtés d’une façon aussi réelle que dans le Saint-Sacrement. Quoi de plus vrai puisqu’il nous dit «demeurez en moi comme je demeure en vous » (Jean 15,4).
La vie chrétienne n’est pas une vie selon une morale évangélique, la vie chrétienne est une vie avec le Christ. Chez le chrétien, transparaît le Christ. Saint-Paul dit :«Avec le Christ, je suis un crucifié ;ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2,20), moi qui dois aimer les autres comme il nous a aimés. Le Chrétien, éveillé à cette présence du Christ, vit dans la foi l’espérance de cette présence et vit cette proximité humblement comme une créature recevant tout de son créateur. Et chaque jour il se nourrit de cette réalité de Jésus disant «Je suis le chemin, la vérité, la vie » (Jean 14,6), chemin de joie à la mesure de cette vie nouvelle qu’il laisse grandir en lui. Cette proximité de Dieu par Jésus, avec Jésus, en Jésus est déjà cette vie éternelle dont nous faisons l’apprentissage ici-bas. Notre condition humaine, dont la trame est parsemée d’embuches à traverser, de divertissements à dépasser, permet de grandir en foi dans cette connaissance de Dieu, ce qui sera pour nous plénitude quand nous le verrons face à face, au de-là du passage sur l’autre rive, et chantant :
Gloire à Dieu au plus haut des cieux
Et paix sur la terre pour les hommes ses bien-aimés
(Luc 1,14 – traduction TOB)
D-M G 01-2023
« La matière première de l’hébreu ce sont les consonnes au nombre de 22. Seules elles sont inaudibles. Pour être animées elles ont besoin des voyelles ; trois d’entre elles vont être utilisées pour donner naissance aux sons et ces trois consommes sont celles du tétragramme qui nomme Dieu, ce mot que l’on ne peut prononcer (YHVH traduit par Yahvé). Dieu l’invisible, le Tout-Autre, l’Innommable, apparaît ainsi comme matrice du monde créé, comme l’âme de ce monde, qui sans lui ne pourrait être. Dieu se glisse dans le monde créé, donne la vie et en même temps se cache à notre regard. Dieu fait exister le monde mais se cache en lui. Seule la création permet de soulever le voile de Dieu. Et c’est le rôle du poète ou de l’artiste de soulever ce voile, de souligner la Transcendance présente dans l’épaisseur du créé. Et de l’offrir sur les places. »
Ainsi on peut dire que la création est sacrement de Dieu, que le visible est ouverture sur l’invisible.
Une question se pose : pourquoi Dieu se cache-t-il ainsi ? Pourquoi est-il sous-jacent partout sans pour autant le voir ? Même si l’homme est créature de Dieu, il y a un tel écart entre l’homme et Dieu que, si Dieu se manifestait à lui tel qu’il est, l’homme ne pourrait survivre. Par ailleurs pour que le monde soit et ait une existence propre, il faut que Dieu se retire de sa création, qu’il se cache, et ce fut cette grande aventure de l’humanité faite de refus, d’alliance, de rejet qui se rejoue avec chacun de ses membres encore aujourd’hui. Aussi la seule relation possible avec Dieu est celle de la foi. Même si Dieu peut se manifester parfois à nous plus sensiblement, cela demandera toujours un acte de foi, que nous avons à répéter chaque jour.
Ainsi nous ne sommes pas surpris que Dieu s’incarne dans notre monde par le biais d’un petit enfant (Luc 2,1-21), dans des conditions de précarité rappelant celles des réfugiés, au lieu de prendre l’apparence d’un roi puissant comme l’espéraient les contemporains de Jésus. C’est toujours le Dieu caché, le Dieu qui déroute, le Dieu qui renverse nos raisonnements, nos certitudes. Mais cette incarnation discrète a une portée immense. Jésus, notre frère en humanité, devient le frère de tout homme, de toute femme ; il est le frère universel. L’incarnation du Fils de Dieu est comme une mutation pour l’humanité, la réception d’un gène divin qui va rendre Jésus présent en toute personne et ce qui nous permet de le servir en servant nos frères. Présence immanente de Jésus en tout frère humain.
Après sa résurrection Jésus affirme qu’il est présent quand deux ou trois sont réunis en son nom (Matt 18,20), spécialement dans la prière. De même il affirme en quittant ses disciples qu’il sera avec eux jusqu’à la fin des temps (Matt 28,20). Cela nous fait dire que chacun peut être sacrement de Jésus pour ses frères et que Jésus est présent dans le frère. Si le pain eucharistique est la nourriture du pèlerin pour la route, le sacrement du frère est présence de Jésus à nos côtés d’une façon aussi réelle que dans le Saint-Sacrement. Quoi de plus vrai puisqu’il nous dit «demeurez en moi comme je demeure en vous » (Jean 15,4).
La vie chrétienne n’est pas une vie selon une morale évangélique, la vie chrétienne est une vie avec le Christ. Chez le chrétien, transparaît le Christ. Saint-Paul dit :«Avec le Christ, je suis un crucifié ;ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2,20), moi qui dois aimer les autres comme il nous a aimés. Le Chrétien, éveillé à cette présence du Christ, vit dans la foi l’espérance de cette présence et vit cette proximité humblement comme une créature recevant tout de son créateur. Et chaque jour il se nourrit de cette réalité de Jésus disant «Je suis le chemin, la vérité, la vie » (Jean 14,6), chemin de joie à la mesure de cette vie nouvelle qu’il laisse grandir en lui. Cette proximité de Dieu par Jésus, avec Jésus, en Jésus est déjà cette vie éternelle dont nous faisons l’apprentissage ici-bas. Notre condition humaine, dont la trame est parsemée d’embuches à traverser, de divertissements à dépasser, permet de grandir en foi dans cette connaissance de Dieu, ce qui sera pour nous plénitude quand nous le verrons face à face, au de-là du passage sur l’autre rive, et chantant :
Gloire à Dieu au plus haut des cieux
Et paix sur la terre pour les hommes ses bien-aimés
(Luc 1,14 – traduction TOB)
D-M G 01-2023

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